le vent souffle fort ce soir
un vent glacial
et je pense aux
copains à la rue.
j'espère que quelques-uns ont une bouteille
de rouge.
c'est quand on est à la rue
qu'on remarque que
tout
est propriété de quelqu'un
et qu'il y a des serrures sur
tout.
c'est comme ça qu'une démocratie
fonctionne :
on prend ce qu'on peut,
on essaie de le garder
et d'ajouter d'autres biens
si possible.
c'est comme ça qu'une dictature
aussi fonctionne
seulement elle a soit asservi soit
détuit ses
rebuts.
nous on se contente d'oublier
les nôtres.
dans les deux cas
le vent
est fort
et glacial.
Charles Bukowski, Avec les damnés.
16 décembre 2009
BUKOWSKI, sur le bien-être
« (...) Je suis dans une très grande forme physique et spirituelle en ce moment ; auparavant ça me faisait peur, mais maintenant quand ça arrive je l'étreins comme une magnifique vierge parce que je sais que l'autre - la pute - ne tardera pas à se ramener. (...) »
Extrait d'une lettre de Charles Bukowski envoyée à Hank Malone en 1978. Correspondance 1958-1994, éditions Grasset (2005), traduction de Marc Hortemel.
Cesare PAVESE, sur le désamour
« (...) Pendant longtemps je me sentis comme écrasé, comme quand, tout petit, je m'endormais en pleurant parce qu'on m'avait battu. Je pensais à Mina et à son mari comme à deux êtres adultes qui ont un secret : un enfant ne peut que les regarder de loin en ignorant les joies et les douleurs qui composent leur vie. Je trouvai du travail pour mes longues matinées dans mon garage et peu à peu je me résignai à mesure que passait l'été. Maintenant que je suis devenu vieux et que j'ai appris à souffrir, Mina n'est plus là. »
Extrait d'une nouvelle du recueil Terre d'exil, de Cesare Pavese (traduction de Pierre Laroche).
10 décembre 2009
Laurent GANÉ : L'arrière-cour des apparences
D’abord publié sous le titre Sexualité, illusions, fantasmes et frustrations, le clin d’œil au titre original des Contes de la folie ordinaire de Bukowski était presque trop flagrant et surtout, avait tendance à induire en erreur sur le contenu de ce premier ouvrage de Laurent Gané. Ré-intitulé depuis L’arrière-cour des apparences, le nouveau titre est à la fois plus personnel à son auteur, et correspond par ailleurs plus fidèlement au contenu de ce recueil de nouvelles. Car Laurent Gané n’est pas Bukowski, il le sait, et ne cherche pas à le devenir. Ce jeune quadragénaire n’a pas le même vécu, pas la même personnalité, et il ne vit pas non plus à la même époque. Leurs regards sur le monde ont à l’évidence quelques points communs (Bukowski n’est pas un de ses auteurs de chevet par hasard), mais ce monde, en l’espace de quelques décennies, a changé, et pas en mieux.
C’est un peu le message que relaie Laurent Gané dans ce livre, où il tente – et c’est là sans doute sa ressemblance la plus frappante avec Bukowski – de cerner la vérité au plus près, en se débarrassant de l’insincérité et des faux semblants qui entravent et aveuglent trop souvent la littérature sur la réalité des choses. A travers des nouvelles pour la plupart fortement autobiographiques, Laurent Gané utilise son sens de la logique et les enseignements qu’il a tiré des lectures d’auteurs tels que Schopenhauer, Nietzsche ou encore Céline pour débusquer l’hypocrisie là où beaucoup ne voient que grandeur et beauté d’âme.
Lorsque l’écrivain nous parle d’amour, par exemple, il aborde le sujet sous un angle aussi désacralisé que possible, le sentiment amoureux est une valeur refuge sans avenir, parfaitement illusoire, semblent nous crier ses textes. Suivant les préceptes de Nietzsche – un de ses maîtres – Laurent Gané est sorti renforcé des épreuves que la vie a semées sur son chemin, il en a tiré une acuité qui tend à cruellement se raréfier dans la pensée contemporaine, un sens de la franchise, de la vérité crue qui fait tout le charme de ce premier ouvrage.
C’est un peu le message que relaie Laurent Gané dans ce livre, où il tente – et c’est là sans doute sa ressemblance la plus frappante avec Bukowski – de cerner la vérité au plus près, en se débarrassant de l’insincérité et des faux semblants qui entravent et aveuglent trop souvent la littérature sur la réalité des choses. A travers des nouvelles pour la plupart fortement autobiographiques, Laurent Gané utilise son sens de la logique et les enseignements qu’il a tiré des lectures d’auteurs tels que Schopenhauer, Nietzsche ou encore Céline pour débusquer l’hypocrisie là où beaucoup ne voient que grandeur et beauté d’âme.
Lorsque l’écrivain nous parle d’amour, par exemple, il aborde le sujet sous un angle aussi désacralisé que possible, le sentiment amoureux est une valeur refuge sans avenir, parfaitement illusoire, semblent nous crier ses textes. Suivant les préceptes de Nietzsche – un de ses maîtres – Laurent Gané est sorti renforcé des épreuves que la vie a semées sur son chemin, il en a tiré une acuité qui tend à cruellement se raréfier dans la pensée contemporaine, un sens de la franchise, de la vérité crue qui fait tout le charme de ce premier ouvrage.
Laurent Gané cherche actuellement un éditeur, L’arrière-cour des apparences est disponible en auto-publication sur le site TheBookEdition, de même que son essai philosophique Discours sur les objectifs premiers et inconscients de l’homme. Il n’est pas inutile de mentionner que la qualité matérielle des livres fabriqués par ce site d’édition à la demande est tout à fait remarquable (couverture en carton épais, papier de bonne qualité, impression précise, reliure collée mais solide), supérieure même à celle proposée par certains éditeurs de livres de poche, et l’expédition très rapide (2 ou 3 jours).
« (…) Tout ce que j’avais entendu à propos de l’amour, du couple, de la fidélité, m’avait toujours paru pour ainsi dire être le comble de l’hypocrisie. Je disais à mes amis que tout ça ce n’était que du sexe, de l’orgueil, de la bêtise, camouflés en sentiment, et que le véritable amour c’était autre chose. (…) »
« (…) Les filles exerçaient sur moi une forte attraction, mais elles n’étaient pas vraiment intéressées par moi. Elles préféraient ceux qui étaient vides, prétentieux, idiots, hypocrites, et le plus souvent avec quelque chose de mauvais. Elles, elles les trouvaient en général originaux et différents, alors qu’ils n’étaient ni l’un ni l’autre, mais qu’ils savaient simplement mieux tricher. Tout cela provoquait chez moi de la frustration, un sentiment d’impuissance et de solitude, des complexes, de la jalousie, de la haine, de la culpabilité et un sentiment d’infériorité et de supériorité mélangés. Pour pouvoir me trouver une valeur, et pour pouvoir me venger, j’allais chercher une femme mieux que les autres. La seule chose que j’ai trouvée, c’est qu’il était impossible que ce monde ne nous rende pas fous, d’une manière ou d’une autre. Tout au plus pouvait-on savoir qu’on l’était. »
« (…) Elle aimait se rendre à des expositions, dans les musées. Elle voulait intégrer les milieux de la mode, de la création, de la culture, et elle attachait à mon goût un peu trop d’importance à l’argent, alors même qu’elle prétendait rechercher ce qui est subtil et fuir ce qui est vulgaire. Dans le fond, elle pensait que d’intégrer ces milieux-là lui donnerait la valeur et la confiance qu’elle n’avait pas, donc elle embellissait le tableau. Le côté aquarium à requins, elle n’en tenait pas compte. Tout ceci était assez ennuyeux, mais comme elle était mignonne, j’étais patient. C’était quelqu’un d’assez sensible, mais qui, comme l’énorme majorité des gens, se compliquait la vie avec des tonnes de principes qu’elle prenait pour des valeurs. (…) »
« (…) C’est incroyable de constater à quel point les hommes peuvent devenir angoissés dès qu’ils se mettent en couple. Ils appellent mûrir et être plus responsable le fait de s’installer avec une femme, ils appellent ça l’amour, alors que c’est surtout la peur qu’ils éprouvent de cette dernière qui les tient. La peur qu’elle parte, et qu’elle ne joue plus son rôle de mère et d’objet sexuel réunis. Et toute leur vie ne fonctionne plus et ne s’organise plus qu’autour de cette peur. C’est un comportement infantile, mensonger, et tout le monde appelle ça devenir adulte. D’autant que la grande majorité de ceux qui sont gouvernés par cette peur, avant de ce mettre en couple, avaient une attitude et tenaient des propos de grands mâles plus forts et plus malins que les autres, et qu’ils continuent généralement à se croire comme tel une fois en couple. (…) »
3 décembre 2009
BUKOWSKI, sur le mode de vie américain
« (...) Un homme devrait partir bosser à 7 heures du matin et ne devrait rentrer qu'à 7 heures du soir, épuisé. Aller à l'église le dimanche. Se taper une petite branlette dans la salle de bains. Et pas de rapports sexuels avec une femme avant le mariage ! Ce pays n'a pas d'âme : pas étonnant qu'au Vietnam ils soient incapables de flanquer une correction à une poignée de nains crevards, d'hommes, de femmes et d'enfants ! Et ce n'est pas l'aide des Russes ou des Chinois qui les a arrêtés. C'est la foutue imbécilité des garçons américains dodus qui ont vécu comme des idiots, des enfants bien nourris qui ont été élevés sans conscience, et cela depuis le berceau ! Pas étonnant qu'ils torturent l'ennemi, parce qu'au plus profond d'eux-mêmes, quelque part, ils savent qu'ils sont perdus, et infliger des atrocités à un peuple vivant et bien réel est leur seule façon de retrouver leur enfance, comme déchiqueter des fleurs, brûler des papillons, baiser et haïr tout ce qu'ils ont sous les yeux. Je n'ai jamais entendu parler d'une guerre pareille. A coup sûr nous sommes entrés dans une époque plus sombre encore que celle du haut Moyen Age ???? (...) »
Extrait d'une lettre de Charles Bukowski, adressée à son ami et traducteur allemand Carl Weissner en novembre 1966. Correspondance 1958-1994, éditions Grasset (2005). Traduction française de Marc Hortemel.
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