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27 août 2014

Georges Henein, sur Henri Calet et la littérature


« (...) Qu'attendez-vous donc du public, monsieur ? Le public demande son petit sirop aphrodisiaque préparé avec les ménagements dus à la pureté de ses intentions. Il en est toujours à la sérénade du feu Toselli, le public ! Il faut lui donner l'occasion de se masturber subrepticement avec un air de chercher son mouchoir dans la poche du pantalon. De la grâce. De la souplesse. Une bonne culture classique. Rien que des vitrines joliment éclairées. Gare à qui va au-delà de la vitrine.
Nous sommes tous immaculés monsieur, même si nos linges ne le sont pas !
Vous, du moins, vous en avez fini avec la lit-té-ra-tu-re. Vous êtes du côté de la vie. Du côté de la merde.
Continuez monsieur (...) »

Georges Henein, dans une lettre du 1er novembre 1935 adressée à Henri Calet à propos de son roman « La belle lurette » ; correspondance publiée dans la revue « Les grandes largeurs » — N°2-3 / Automne-hiver 1981.


25 novembre 2012

Louis-Ferdinand Céline, sur la télévision


« (...) Revenons à la télévision. Elle est utile pour les gens qui ne sortent pas, pour ma femme par exemple. J'ai un poste, au premier étage, mais je ne monte jamais. C'est un prodigieux moyen de propagande. C'est aussi, hélas ! un élément d'abêtissement, en ce sens que les gens se fient à ce qu'on leur montre. Ils n'imaginent plus. Ils voient. Ils perdent la notion de jugement, et ils se prêtent gentiment à la fainéantise.
La TV est dangereuse pour les hommes.
L'alcoolisme, le bavardage et la politique en font déjà des abrutis. Était-il nécessaire d'ajouter encore quelque chose ?
Mais il faut bien l'admettre. On ne réagit pas contre le progrès. Vous arriverait-il d'essayer de remonter les chutes du Niagara à la nage ? Non. Personne ne pourra empêcher la marche en avant de la TV. Elle changera bientôt tous les modes de raisonnement. Elle est un instrument idéal pour la masse. Elle remplace tout, elle élimine l'effort, elle accorde une grande tranquillité aux parents. Les enfants sont passionnés par ce phénomène.
Il y a un drame aujourd'hui : on pense sans effort.
On savait bien mieux le latin lorsqu'il n'y avait pas de grammaire latine. Si vous simplifiez l'effort, le cerveau travaille moins. Le cerveau, c'est un muscle : il devient flasque.
Un exemple, les femmes avaient du mollet sous l'Occupation. Elles marchaient. Aujourd'hui, c'est le triomphe de la mécanique, nous sommes au royaume des belles voitures. Les femmes n'ont plus de jambes, elles sont affreusement laides. Les hommes ont du ventre.
C'est toute la civilisation du monde qui est condamnée par le côté raisonnable de la vie. On vit d'optimisme. La vie commence à cinquante ans et tout le drame est là, car c'est alors un débordement de passions. A cet âge, l'homme court après les petites filles, il s'habille plus jeune, il va au thé dansant, il boit, car l'alcool donne une illusion de force. Il se soûle de tout.
Comprendra-t-il un jour que, passé la trentaine, il s'en va vers sa fin ? (...) »

Louis-Ferdinand Céline, au cours d'un entretien avec Jacques Chancel paru dans le numéro 117 de Télé Magazine daté du 11 janvier 1958.

25 juillet 2012

Philippe Muray, sur la musique


« (...) Je me souviens de ce qu'écrivait Nietzsche, que l'existence privée de musique est une erreur et un exil ; mais chaque fois qu'un type, à dix immeubles de moi, pousse dans le rouge son matériel hi-fi pour me faire partager ses goûts, pour me faire participer à sa torpeur, pour me mettre à l'unisson, chaque fois que des amplis hurlants me visent avec beaucoup plus de précision que des Scuds, je me demande si Nietzsche, à ma place, resterait sur ses positions de 1888.
Une espèce de marée noire musicale beurre aujourd'hui les rives du monde. Tous les jours, des gens qui ne toléreraient pas que vous leur fumiez sous les narines vous soufflent leurs préférences aux oreilles. Les cordicolâtres sont des mélomanes infatigables. Il n'existe plus d'autre musique que la musique à écouter en groupe ; mais ne pas souhaiter l'entendre n'est nullement prévu au programme, ce serait comme de ne pas désirer ceux qui l'offrent à la cantonade. Batteries barbares. Synthés. Larsen tueurs. Compact-disques à guidage terminal. Leurs baffles sont des armes « propres ».
C'est bien commode, la musique, pour achever de vous convertir. C'est admirablement conçu pour vous rendre cool, sympa, communautaire, harmonique. Ça efface toutes les ombres et les critiques. Ça noie bien des réticences sous les émois pasteurisés. Ça fait passer bien des forfaits aussi. Le gros général américain dont j'aime mieux ne pas rappeler le nom s'endormait chaque nuit, dans le désert d'Arabie Saoudite, au son terriblement new age de gazouillis d'oiseaux qu'on lui avait enregistrés sur cassette. (...) »

Philippe Muray, L'Empire du Bien (1991) ; éditions Les Belles Lettres.

6 juillet 2012

Paul Léautaud, sur les vacances


« (...) Ce sont les derniers jours agréables. Je l'entends pour l'isolement et la tranquillité. Les chalets voisins ne vont pas tarder à être occupés. Cela commence déjà. Les gribouilles en vacances vont bientôt affluer, avec leurs cancans, leurs bavardages, leurs allées et venues, leurs rires, tout leur bruit stupide et leur odieuse animation. Déjà, dans mon grenier, je suis obligé, par moments, de fermer la porte pour ne pas entendre le caquetage des premiers arrivants. Il faut venir ici dans les premiers jours de juin, quand il n'y a encore personne, ou dans les premiers jours d'octobre, quand tout le monde est parti. En pleine saison, avec la manie de chaque propriétaire de chalet d'avoir des locataires, c'est une vraie foire. Mieux vaut rester chez soi. On ne va pas à quatre cent cinquante kilomètres pour retrouver les gens de la Bourse. (...) »

« (...) Je vais chaque jour faire les commissions à P... Je passe sur le port. Là, se trouvent les principaux hôtels à voyageurs. Là, les baigneurs se promènent et se font voir. Des commis, des employés, des commerçants enrichis. Un joli spectacle. La bêtise, la vulgarité humaines sont là dans leur plein. Des hommes de quarante ans, de plus vieux, ventrus, déformés, le visage ruiné, du poil sur la figure comme un animal, s'exhibent, la poitrine à l'air, avec ces chemises au col démesurément ouvert qui sont d'un si mauvais goût. Presque tous sont vêtus de neuf. Il leur a fallu une tenue spéciale pour venir ici, depuis les chaussures jusqu'à la casquette. Il faut les voir plantés à l'extrémité du môle, contemplant, sous leur visière, l'horizon de la mer, avec des airs de connaisseurs. Ils font ma joie. Je m'arrête à les regarder, tant ils représentent pour moi de comique humain. (...) »

Paul Léautaud, extraits de la chronique intitulée « Villégiature », publiée dans le recueil « Passe-Temps » (1928) ; Mercure de France.
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