6 mai 2011

Roger NIMIER : Les épées

Roger Nimier est considéré comme le chef de file des Hussards, ce mouvement littéraire français né à la fin des années 40. Une des caractéristiques reconnue à ce mouvement, outre sa sensibilité politique plutôt à droite, est la sobriété de son style, le goût de la phrase incisive, sans fioritures.
 
On retrouve cette sobriété quasi constamment dans le premier roman de Nimier, mais ce livre est aussi l’œuvre d'un intellectuel, d'un esprit complexe, philosophe et érudit, et sa pensée ne paraît du coup pas toujours très limpide.
 
Par exemple, le concept des « épées », qui donne son titre au roman, et revient régulièrement au fil du récit, reste assez flou à mes yeux. Métaphore de la destinée, des aléas de la vie, à première vue, mais je suis certainement passé à côté des subtilités que lui attribuait l'auteur.
 
Du reste, Les épées paraît assez confus en première lecture. Il y a d'abord la relation entre François Sanders - le narrateur - et Claude, sa sœur. Relation aux frontières de l'inceste ou peut-être carrément incestueuse au fond, car on ne sait trop décoder les allusions de Nimier à certains moments. Il y a aussi l'enchevêtrement des périodes de la vie du narrateur, assez distinctes les unes des autres, l'adolescence et la fascination de Sanders pour Claude, la guerre où il n'est plus du tout question de Claude, puis l'après guerre où l'obsession du narrateur tourne à nouveau autour de sa sœur.
 
Une chose semble plus claire, ou peut-être y ai-je été plus réceptif, c'est le point de vue hétérodoxe  - d'autant plus au sortir de la guerre - de Nimier sur l'engagement, le patriotisme, et sa relation au conflit à travers le comportement désabusé de son personnage. Sanders vit la guerre et l'occupation allemande de manière détachée. Il n'y a pas de bons et de méchants mais des hommes avec de mauvaises raisons de se battre, ou plus souvent encore, pas de raison du tout. Un temps résistant, un temps milicien, Sanders est animé dans un camp comme dans l'autre par la même apathie. Pratiquant l'exécution sommaire par générosité, acceptant le sacrifice d'une amante et sœur d'arme sans sourciller, François Sanders est un homme, un vrai : décomplexé et amoral. Toujours un peu salaud,  toujours dans le camp humain.
 
Ce roman reste toutefois assez abscons pour moi. Pourtant, il ne manque pas de phrases inspirées, de réflexions intéressantes (mais parfois trop intellectualisées pour le commun des mortels dont je suis), comme « certaines choses sont vraies et (...) d'autres sont belles » ou encore « la sincérité est presque toujours un calcul adroit ». Et bien d'autres, parmi lesquelles :
 
« (...) ce qui est nécessaire manque rarement d'être futile. Ainsi des complots et des affaires de cœur. (...) » (p.49)
 
« (...) le sang, c'est comme le reste : passé dix mille litres ce n'est plus une tragédie, mais une industrie nationale » (p.48)
 
« (...) Le désastre, ce n'est pas le moment où la vie vous dégoûte, c'est celui où on lui fait des concessions. (...) » (p.103)
 
" (...) Une civilisation qui tombe en ruine garde un sens, même si elle lui tourne le dos. La plus grande débauche exige la plus grande moralité, pour rester intéressante. (...) » (p.116)
 
« (...) Par-dessus la vérité affectueuse - l'idée qu'on a de soi - il y a la vérité cruelle : l'opinion des autres. (...) » (p.120)
 
« (...) Les gens ne veulent jamais comprendre qu'on est si indulgent avec eux parce qu'on les tient pour des imbéciles. (...) » (p.137)
 
« (...) Nous savons que les êtres varient, qu'ils ne sont pas fixés dans leur réalité pour l'éternité. Mais nous ne pouvons nous satisfaire de cette image mobile et disputée. Nous exigeons d'eux une présence ferme, un caractère tranché. Ils n'ont pas le droit d'exister. (...) » (p.144-145)
 
De quoi inciter à en lire plus.

1 commentaire:

  1. ANCIENS COMMENTAIRES (OVERBLOG)
    +++++++++++++++++++++++++++++++

    sinon pour l'omnibus de Georges Darien : bonne pioche ! je suis content de l'avoir acheté . Et pour 1400pages il n'est pas tres lourd ni volument (4cm d'epaisseur). Impec' même dans le metro. J'ai deja lu Biribi ; il me fait pensé à Hyvernaud.

    Commentaire n°1 posté par Zorglub le 14/05/2011 à 10h43

    RépondreSupprimer

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...

Articles les plus consultés cette semaine