Je ne connais pas la filmographie de     Jean-Pierre Rawson, mais ce que je peux deviner, c'est que lui et  les co-scénaristes qui ont adapté l’œuvre et la vie de Paul Léautaud  n'ont pas très bien digéré leur sujet. Sur le papier     pourtant, le film pouvait difficilement être mieux servi : des  acteurs au talent qui n'est plus à prouver : un Michel Serrault dans le  rôle de Léautaud pas si incongru que je pouvais le penser     avant de voir le film, et puis Annie Girardot, comme toujours  brillante et d'une spontanéité qui fait tout son charme, dans le rôle de  la maîtresse de l'écrivain, Anne Cayssac, alias « Le     Fléau ».      
     Comédie d'amour est donc servi par une distribution  remarquable, mais le film ne présente que bien peu d'intérêt pour  l'admirateur de Léautaud. Les dialogues sont une barbarie à entendre     pour qui connait un peu les écrits du misanthrope de  Fontenay-aux-Roses : on assiste à une partie de ping-pong entre les  personnages où les citations de l'écrivain se succèdent comme si on les     avait tirées d'un chapeau pour en déterminer l'ordre de passage.  Bien souvent, elles n'ont que bien peu de pertinence dans les échanges,  ou alors sont tronquées et dénaturées pour ne servir     qu'une cause : le propos du cinéaste (« Aimer, c'est préférer un  autre à soi-même » qu'on fait dire à un Léautaud presque mielleux, en se  gardant bien de poursuivre  : « dans ce     sens-là, je n'ai jamais aimé »...) ; mais le plus étrange est  peut-être encore de retrouver les citations de Léautaud dans la bouche  de tous les personnages, et particulièrement des maîtresses de     l'écrivain. A ce sujet, on remarquera la cure d'embellissement de  Marie Dormoy, interprétée avec beaucoup de charme par Aurore Clément, et  c'est bien ce qui cloche quand on sait à quoi     ressemblait la véritable Marie Dormoy, qui n'avait rien d'une  beauté.   
     Mais tous ces détails passeraient presque sans encombre s'il n'y  avait pas de surcroit la faute de goût intolérable, la trahison  impardonnable : faire de Paul Léautaud un sentimental, lui qui     passa sa vie à moquer cette fâcheuse tendance des représentants de  son espèce. On grince déjà des dents au début du film lorsque le  personnage interprété par Serrault nous parle de sa mère sur un     ton geignard qui est à l'opposé de ce qu'était Paul Léautaud  (surtout à l'âge auquel le film le représente). Quant à la fin du film,  elle est simplement grotesque, la scène où Léautaud avoue son     amour à Marie Dormoy est une aberration. Une niaiserie qui tendrait à  confirmer que Rawson et ses collaborateurs ne connaissaient pas  grand-chose de la vie de celui dont ils avaient choisi, pour     je ne sais quelle raison, de raconter une histoire qui n'était pas  la sienne.   
 

 

 
 
 
 
 
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