28 janvier 2008

Albert Camus, sur l'amitié

« (...) l'amitié est distraite, ou du moins impuissante. Ce qu'elle veut, elle ne le peut pas. Peut-être, après tout, ne le veut-elle pas assez ? Peut-être n'aimons nous pas assez la vie ? Avez-vous remarqué que la mort seule réveille nos sentiments ? Comme nous aimons les amis qui viennent de nous quitter, n'est-ce pas ? Comme nous admirons ceux de nos maîtres qui ne parlent plus, la bouche pleine de terre ! L'hommage vient alors tout naturellement, cet hommage que, peut-être, ils avaient attendu de nous toute leur vie. Mais savez-vous pourquoi nous sommes toujours plus justes et plus généreux avec les morts ? La raison est simple ! Avec eux, il n'y a pas d'obligation. Ils nous laissent libres, nous pouvons prendre notre temps, caser l'hommage entre le cocktail et une gentille maîtresse, à temps perdu, en somme. S'ils nous obligeaient à quelque chose, ce serait à la mémoire, et nous avons la mémoire courte. Non, c'est le mort frais que nous aimons chez nos amis, le mort douloureux, notre émotion, nous-même enfin ! »

Extrait de La chute, d'Albert Camus.

2 commentaires:

  1. ANCIENS COMMENTAIRES (OVERBLOG)
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    Comme ce passage est vrai ...

    On se faisait justement la remarque, l'autre fois, sur un forum ... Au moment du décès de Carlos ... Décès que je déplore bien évidemment. Il n'était pas si vieux.
    Mais Carlos est devenu, en quelques heures, le plus regretté des francais ...
    Par contre, juste avant sa mort, quand on parlait de Carlos, on ne voyait que ses chemises à fleurs et Rosalie, et tout le monde trouvait démodé ce qu'il faisait ... Pourquoi ce revirement ? De toutes façons, comme dit Camus, une fois mort, il ne nous demande rien ...

    Par contre, quand un amis décède, on est plus préoccupé par le fait qu'il y a peut-etre longtemps qu'on ne l'a pas vu, qu'on ne lui a pas, dernièrement adressé un salut, une carte de bonne année, ou un simple coup de fil ... C'est compréhensible mais purement égoiste.
    Mais que peut-on faire d'autre ?
    C'est sur qu'une fois que notre amis est décédé, il n'y a plus rien à faire. Cependant, si on ne fait, ni ne dit rien, l'entourrage va dire "oh, celui là, on a pas l'impression qu'il soit vraiment affecté ...". Alors on pleure. On se lamente. On parle des jours passés et heureux. Alors que si on n'avait pas été au contacts des autres, on aurait fait notre journée, voilà tout.

    Je ne supporte pas les enterrement. J'ai vécu celui de mon cousin en 1998 (celui dont je t'ai parlé dans l'article sur Camus), puis en 1999, j'ai vécu celui d'une amie de 4eme, qui est décédée dans un accident de voiture.
    Que faire de plus ? Doit-on pleurer ? S'effondrer ? Tout celà parce que si on ne le fait pas, on nous montrera du doigt comme si on n'était pas touché ...
    Celà dit, si j'ai pleuré, c'est surtout pour le chagrin des plus proches que je ne le suis (l'étais). Les parents, les frères et soeurs de mon cousin ... Les voir effondrés m'effondrait ...

    Comme dit Camus, "Non, c'est le mort frais que nous aimons chez nos amis, le mort douloureux, notre émotion, nous-même enfin !"
    Finalement, tout revient à nous ... C'est notre apparence que nous voulons sauver lorsque nous pleurons à un enterrement. Parce que nous voulons nous que les autres nous voient tristes, parce que nous voulons que les autres nous voient sensibles. Parce que nous préférons montrer cette image de nous, que ce que nous sommes vraiment ...

    Commentaire n°1 posté par Messaline le 03/02/2008 à 01h04

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  2. ANCIENS COMMENTAIRES (suite)
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    "C'est sur qu'une fois que notre amis est décédé, il n'y a plus rien à faire. Cependant, si on ne fait, ni ne dit rien, l'entourrage va dire "oh, celui là, on a pas l'impression qu'il soit vraiment affecté ...""

    Et puis dans le cas où les larmes ne sont pas feintes, elles nous ramènent toujours malgré tout à nous-mêmes. La mort de la personne qu'on a apprécié est moins à l'origine de nos larmes que le fait qu'on ne pourra plus l'avoir à nos côtés, jouir de sa présence, satisfaire un besoin purement égoïste.

    C'est notre nature, sans un minimum d'égocentrisme, pas d'instinct de survie, donc pas de vie possible. On ne peut pas faire grand chose contre ça, si ce n'est ouvrir un peu les yeux, et éviter de nous mentir, comme le font Camus, Céline et d'autres écrivains (en général ceux que j'aime lire).

    Commentaire n°2 posté par Hank le 03/02/2008 à 14h36

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    Oui, mais celà nous ramène à la question : comment ne pas tout rapporter à nous, puisque ce que l'on voit, on le voit par nos yeux propres ?
    Il est difficile de se mettre dans la peau du voisin, et même si on essaie de se mettre à la place de l'autre, on est toujours conditionné par notre propre vécu.

    Et finalement, dans "La chute", Clamence y raconte sa propre vie ... Bien que ce ne soit qu'un pseudonyme ... Ou alors invente-t-il une vie à ce Clamence, afin d'aboutir à sa démonstration ?

    Il faut que je le finisse ...

    Commentaire n°3 posté par Messaline le 03/02/2008 à 15h15

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