20 octobre 2011

Fedor DOSTOÏEVSKI : Les carnets du sous-sol

Livre paru sous de nombreux titres, depuis sa publication originale en 1864, et en différentes traductions pour compliquer les choses. C'est, vraisemblablement – et comme tous les livres de Dostoïevski – dans la plus récente traduction – celle de André Markowicz – qu'il faut lire ce livre, traduction restituant - selon les spécialistes - le mieux le style de l'écrivain russe, dans toutes ses imperfections et son oralité. Bref, qu'il s'intitulât « La voix souterraine », « Dans mon souterrain », « Notes écrites dans le sous-sol » ou encore « Mémoires écrits dans un souterrain », tous ces titres désignaient le même livre.

Ma connaissance de l'œuvre de Dostoïevski reste très rudimentaire, aussi j'éviterai de prétendre avoir une science que je n'ai pas en paraphrasant la postface de Monsieur Francis Marmande, à laquelle je n'ai, du reste, pas tout compris.

Je m'attarderai uniquement sur le contenu brut de ce livre, que j'espère ne pas avoir trop mal compris, lui. Et c'est dans l'ordre du possible, après tout, car Dostoïevski n'est pas à mon sens l'écrivain le plus limpide qui soit. Pas le plus inintéressant non plus, c'est une évidence. Bref, le factuel, et au diable l'interprétation.

Le narrateur de cette histoire est un fonctionnaire raté s'étant terré chez lui, à l'abri des autres, à mariner dans l'inconfort de vivre avec une conscience plus développée que la moyenne. Les carnets du sous-sol se présentent en deux parties, la première est un monologue où le narrateur prend constamment à partie son lecteur, préjugeant de ses réactions aux propos hétérodoxes qu'il tient. Il sort de ce long discours de très fines observations sur l'existence, la nature profonde des hommes, la justice, etc...

« (…) un homme intelligent ne peut rien devenir – il n'y a que les imbéciles qui deviennent. Un homme intelligent du XIXe siècle se doit – se trouve dans l'obligation morale – d'être une créature essentiellement sans caractère ; un homme avec un caractère, un homme d'action, est une créature essentiellement limitée. (...) » (p.13)

« (…) de quoi un honnête homme peut-il parler avec le plus de plaisir ?
Réponse : de lui-même. (...) » (p.14)

« (…) Un homme doué d'une conscience est-il capable de s'estimer un tant soit peu ? (...) » (p.26)

« (…) La civilisation, si elle n'a pas rendu les hommes plus sanguinaires, a conféré à cette cruauté quelque chose de plus sale, de plus odieux. Avant, les hommes voyaient dans le meurtre un acte de justice, ils étripaient donc qui ils devaient sans remords de conscience ; maintenant, nous avons beau savoir que le meurtre est une saloperie, nous la pratiquons de plus belle, cette saloperie, et encore plus qu'avant. Qu'est-ce qui est pire ? (...) » (p.35-36)

C'est à mon sens la partie la plus intéressante du livre, en ceci qu'elle développe un point de vue plus clair que la seconde. Cette deuxième partie, intitulée « Sur la neige mouillée », n'est plus seulement un monologue, le narrateur évoque des faits du passé, des faits l'ayant conduit à sa retraite. C'est le récit d'un homme bien résolu à se tuer socialement, dans une société où l'honneur prévaut sur toutes les valeurs. L'histoire d'un homme complexé mais fier, cherchant à se mesurer à plus prestigieux que soi, et trébuchant, lamentablement. Un homme incapable de donner, et encore moins de recevoir. Un homme presque ordinaire, finalement.

« (...) Tout honnête homme de notre temps est et doit être un lâche et un esclave. C'est son état normal. J'en suis profondément convaincu. (...) » (p.63)

« (...) Une idée me traversa l'esprit : "trouver le ton juste ; autre chose que le sentimentalisme pour trouver le point faible."
Mais cette idée ne fit que me traverser. Je le jure, elle m'intéressait vraiment. En plus, je n'avais pas toutes mes forces, j'étais en bonne disposition. Et puis, la tricherie se marie si bien avec le sentiment. (...) » (p.121)

« (...) j'en arrive à croire aujourd'hui de temps en temps que l'amour ne peut rien être d'autre qu'un droit volontairement donné à l'objet que l'on aime de nous tyranniser. (...) » (p.159)

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