8 novembre 2011

Octave MIRBEAU : Dingo

Écrivain et journaliste influent de la fin du XIXe et début du XXe siècle, membre originel du jury Goncourt, Octave Mirbeau était un homme usé lorsqu'il rédigea Dingo, son dernier roman, quelques années avant sa mort. On dit d'ailleurs que, n'ayant plus la force d'écrire, il confia la rédaction de la fin du livre à son ami Léon Werth, selon ses indications (la présente réédition n'en fait pas mention).

L'homme était donc fatigué, mais le ton de ce livre à la fois léger, drôle et acerbe ne laisse pas apparaître la moindre trace d'usure. C'est au contraire un texte vif, plein de fantaisie : le récit à la première personne d'un homme - l'auteur lui-même pour une bonne part - qui tombe sous le charme singulier d'un chien bâtard, gauche et sournois qu'un ami lui fait parvenir d'Australie ; chien qui, incontrôlable, va rapidement semer la zizanie dans un village d'apparence paisible. La réaction de méfiance et de mépris des « braves gens » donne l'occasion à Mirbeau de faire tomber les masques, de dépeindre une nature humaine vicieuse et malintentionnée. L'auteur s'amuse des forfaits de l'animal, et amuse par la même occasion le lecteur, mais surtout, il fait montre de beaucoup de finesse d'esprit pour démonter les apparences, par définition toujours trompeuses.

« (...) Dès que je l'eus caressé -, bien timidement, et cela me fut désagréable, car j'ai une répulsion physique invincible pour tous les nouveaux-nés -, il se mit à trembler, puis à pousser des plaintes et des cris de protestation... Des cris de protestation, je dis bien. Cette précocité si rare m'émerveilla.
Respectueusement, je le déposai sur le sol, où ses cris redoublèrent. Et, vraiment, je ne pus m'empêcher de rire de ses mines revendicatrices, de son tapage irrité. Croyez bien qu'il n'y avait nulle moquerie, en dépit du ridicule équipage dans lequel m'arrivait ce petit pensionnaire, mais de la sympathie et de l'admiration pour lui.
Je l'avoue, l'idée seule que cet embryon protestât déjà et si spontanément, et sans aucune littérature, contre la stupidité, la malignité, la malpropreté des hommes ou contre leurs caresses, m'enflamma. Oui, j'avoue que ce pessimisme, en quelque sorte prévital, me réjouit dans mon pessimisme invétéré et fit que je m'intéressai davantage au sort de cet être larvaire qui, encore noyé dans les limbes et sans l'avoir jamais vu, allait entrer dans le monde avec une conception de l'humanité si parfaitement conforme à la mienne. (...) »

« (...) Il n'y a pas de mystère dans la vie, pas plus de mystère dans l’œil d'un chien que dans le marc de café cher à ma cuisinière et dans les reflets irisés où les perles se caressent. Il n'y a que l'ignorance de la vie, de la vie que, faute de la comprendre, les poètes ont peuplée de songes puérils et de mensonges à dormir debout. (...) »

« (...) Malgré la différence de nos tempéraments, j'avais pour Legrel une amitié qui était maintenant plus que de l'amitié : de la vénération. Je ne me disais pas encore que, lorsqu'on n'aime plus quelqu'un, on prend souvent le parti de le vénérer. C'est plus facile. (...) »

« (...) Quelques-uns se sont arrêtés devant l'auberge des Plâtreries... C'est un bon endroit, et l'hallali y sonne souvent. Ces braves gens mêlés, oisifs et prolétaires, sont impatients, anxieux. Les petits trépignent, les grands ont des figures graves. Joies de carnassiers, admiration servile devant le luxe et ses manifestations meurtrières, je ne surprends rien d'autre sur ces visages... (...) »

2 commentaires:

  1. Il faut vraiment que je fasse connaissance avec ce fameux Octave...

    Je pense commencer avec Le jardin des supplices. L'as-tu lu ?

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  2. Je ne te serai pas d'un grand secours, j'en suis encore resté pour l'instant à Dingo. Je pense lire bientôt "Le jardin des supplices", mais au rythme impressionnant où tu alignes les compte-rendus sur ton blogue, il est probable que tu l'aies traité bien avant moi :)

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