22 novembre 2011

Premières lignes : Mon ange de GUILLERMO ROSALES


« On pouvait lire boarding home sur la façade de la maison, mais je savais que ce serait mon tombeau. C'était un de ces refuges marginaux où aboutissent les gens que la vie a condamnés. Des fous pour la plupart. Mais aussi des vieillards que leurs familles abandonnent pour qu'ils meurent de solitude et n'empoisonnent plus la vie des triomphateurs.
   — Ici tu seras bien, dit ma tante, assise au volant de sa Chevrolet dernier cri. Il n'y a plus rien à faire, tu l'admettras.
Je comprends. Je ne suis pas loin de la remercier de m'avoir trouvé ce taudis pour rester en vie sans avoir à dormir sur les bancs publics, dans les parcs, couvert de crasse, en traînant mes baluchons de vêtements.
   — Il n'y a plus rien à faire.
Je la comprends. J'ai été enfermé dans trois asiles de fous au moins depuis que je suis ici, dans cette ville de Miami où je suis arrivé il y a six mois pour fuir la culture, la musique, la littérature, la télévision, les évènements sportifs, l'histoire et la philosophie de l'île de Cuba. Je ne suis pas un exilé politique. Je suis un exilé total. Je me dis parfois que si j'étais né au Brésil, en Espagne, au Venezuela ou en Scandinavie, j'aurais fui tout autant leurs rues, leurs ports et leurs prairies. (...) »

Guillermo Rosales, Mon ange (1987) ; traduit de l'espagnol par Liliane Hasson ; éditions Actes Sud / Babel (2002).

1 commentaire:

  1. Hé hé, j'ai lu il y a peu " Mon ange ", et je le recommande à tout le monde: touchant, sobre, cruel... le genre de style qui plaira à tous les fans de Buk ou de Fante. Un très beau livre. Au passage : Merci pour ce site.

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