20 septembre 2010

Guillermo ROSALES : Mon ange

La littérature cubaine contemporaine réserve de belles surprises pour le peu que j'en connais. Seulement deux tentatives jusqu'à présent, et deux satisfactions pleines et entières. La première, c'était Pedro Juan Gutiérrez, un écrivain qui, me semblait-il, restituait avec talent le chaos des bas fonds de La Havane. Avec Guillermo Rosales, il n'est pas question de Cuba (du moins peu), mais de Miami. C'est le récit d'un exilé cubain à la dérive, et la misère dont il parle est plus encore psychologique que matérielle.
 
Mon ange est un récit à forte inspiration autobiographique de l'internement de Figueras, le narrateur. On y découvre les "boarding homes", ces petites structures d'accueil de malades dont les familles ne veulent plus. Il ne s'agit pas de structures de soin, mais de mouroirs qui semble-t-il représentent un excellent filon pour certains exilés au sens des affaires très en phase avec l'état d'esprit de leur pays d'accueil. Dans l'asile où débarque Figueras, le malade n'y est pas considéré comme un patient à soigner, mais comme une source de revenus et de toute sorte d'abus à exploiter.
 
Rosales nous fait vivre son enfermement et son mal-être avec une distance qui ne laisse aucune place au pathos. Le récit est relativement âpre et dépassionné, mais paradoxalement, il touche. Rosales brosse des portraits assez attendrissants des patients avec lesquels il cohabite, il livre au lecteur une description quasi clinique du quotidien de ces rejetés de la société - du monde des triomphateurs comme il les désigne à plusieurs reprises - il y a les brutalités infligées aux plus faibles (que lui-même inflige parfois), les vols, les viols, l'insalubrité des lieux, et puis surtout, il rôde derrière ce quotidien rude une totale absence d'espoir.
 
Étrangement, le récit de ces heures sombres de la vie de Rosales - qui ne s'en relèvera pas - n'est pas pesant. On y sent de l'authenticité et du désespoir, mais la distance que Rosales parvient à prendre vis à vis à son expérience, alliée à la légèreté et à la fluidité de sa prose, rendent ce récit - et c'est presque un comble - très agréable à lire.
 
Il s'agit malheureusement de l'ultime témoignage du talent de Guillermo Rosales, qui se suicidera quelques années après avoir écrit ce court roman, en 1993. Un autre roman paraîtra après sa mort, un roman de jeunesse intitulé Les mauvais garçons. A lire, très certainement.

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