12 septembre 2010

Christophe DONNER : Contre l'imagination

J'ai une conception très exclusive pour ne pas dire totalement obtuse, élitiste et snobe de la littérature ; l'idée me semble assez précise dans mon esprit, mais pour en avoir discuté de nombreuses fois à droite à gauche, je l'exprime un peu gauchement. Si nous devions en parler, là, maintenant, je passerais par l'exposé de la différence que je fais entre un romancier et un écrivain, par l'importance que j'accorde au vécu et la méfiance, le dégoût ou simplement l'indifférence que m'inspire la fiction en littérature, etc... Au final, rien ne sera très clair. Dans son pamphlet Contre l'imagination, Christophe Donner a travaillé à ma place, il désigne le mal de la littérature actuelle, le coupable de ses vaines gesticulations, et ce "poison" de la littérature n'est autre que l'imagination.
 
L'imagination est le paravent de deux déviances vieilles comme l'homme : la vanité et la dissimulation. C'est pour Donner le mode d'expression du mensonge et de l'ignorance. On imagine - on invente, on affabule -  parce qu'on ne sait pas, mais qu'on voudrait savoir, mais en imaginant, on s'éloigne encore davantage des réponses que l'on attend, et au fond, c'en devient une finalité, car la vérité fait peur.
 
Donner, dans ce livre, nie toute valeur à cette pratique qui en fait se pâmer plus d'un. Ce que la majorité des gens estiment être un talent rare et noble, Donner le juge comme une perversion. En 120 pages, il démonte une vieille croyance, un dogme qui gagnerait à s'effondrer, mais qui, il ne faut pas en douter, perdurera aussi longtemps que l'homme vivra. Les écrivains francs du collier resteront méprisés du plus grand nombre, même si l'Histoire finit en général par leur donner raison. On retient plus facilement la vérité que la fiction affirme Donner. Et à bien regarder, les écrivains dont on se souvient sont rarement des conteurs de jolies petites histoires.
 
Mon seul regret, après lecture de ce petit exposé réjouissant, c'est que son auteur ne semble  paradoxalement pas appliquer ses principes dans ses propres romans. Des titres comme L'influence de l'argent sur les histoires d'amour ou L'empire de la morale titillent depuis longtemps ma curiosité, mais le rattachement de l'écrivain au roman d'autofiction me laisse perplexe. Le dernier chapitre de son pamphlet laisse d'ailleurs circonspect ; en désamorçant son propos, il confirme les préjugés que m'inspirent ses romans. L'auteur contemporain jouant à armes égales avec les grands écrivains du passé n'est semble-t-il pas encore né, et compte tenu des probabilités d'en voir à nouveau émerger un dans les décennies à venir, cette formule très optimiste m'inspire un léger sourire. Amer.

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