Aux Etats-Unis, au crépuscule des     années 1910, les plus fins observateurs voyaient déjà poindre les  bouleversements de la société moderne.  L'écrivain, directeur de revue  et critique littéraire Henry Louis Mencken - que je     ne connaissais que de par sa correspondance avec John Fante, au  début de la carrière de ce dernier -  était de ces observateurs  visionnaires, il vit peut-être avant les féministes     elles-mêmes la révolution qui couvait, et il s'employa avec Défense des femmes à en explorer les complexes tenants, et les conséquences possibles d'un tel chambardement des us et     coutumes de la société occidentale.      
     Le titre de ce livre est à prendre avec ironie, mais contrairement à  ce qu'on pourrait penser, Mencken ne délivre pas une analyse motivée  par sa seule misogynie. Il ne prend pas réellement parti     pour l'homme dans ce livre, du moins pas aussi clairement qu'on  pourrait l'imaginer. Pour lui, la première erreur est de considérer la  femme comme inférieure intellectuellement à l'homme. Au     moyen d'un exposé parfois un peu fantaisiste et souvent péremptoire,  Mencken démontre que les prétendues inaptitudes reprochées aux femmes  par les hommes ne sont que le paravent d'une     intelligence au contraire supérieure en bien des domaines. Il avance  l'idée que ces activités masculines auxquelles les femmes sont  supposées s'adapter difficilement - qu'elles fassent appel à la     logique, au sens des affaires, ou à la technique - sont en réalité  sans valeur, et ne font aucunement appel à l'intelligence de ceux qui y  excellent.   
     Mencken développe ensuite une théorie intéressante, selon laquelle  tout individu est constitué dans des proportions variables de penchants  dits féminins, et d'autres dits masculins, ce, quel que     soit son sexe. Mais pour illustrer son propos, Mencken ne nous sert  pas les poncifs du genre en faisant de la féminité un état de finesse et  de douceur absolues, et de la masculinité l'expression     de la force pure alliée à la rudesse d'âme. Ainsi, il réprouve le  vieux préjugé faisant de la femme un être intrinsèquement sentimental,  au contraire de l'homme qui ne serait guidé que par des     instincts bestiaux. Mencken fait un exposé convaincant du contraire.  Selon lui, le seul sexe capable de laisser corrompre son jugement par  les sentiments est l'homme. Il décrit au contraire le     tempérament féminin comme celui étant le plus stable et le plus  dépassionné dans ses prises de décision. De là son point de vue sur  l'organisation dans le couple : la femme est seule aux     commandes depuis le choix du mari jusqu'à la moindre décision prise  dans le mariage.   
     Alors ce petit exposé sur les vertus féminines, bien entendu, n'a  pas pour objet de sanctifier la féminité comme on le fait de nos jours  niaisement et hypocritement, depuis des décennies, comme     le font des régiments de flagorneurs professionnels et de faibles  d'esprit pour s'attirer certaines faveurs. Mais là où le discours de  Mencken prend un certain poids, c'est dans sa manière     d'éviter de prendre parti pour son propre sexe. S'il déplore les  changements annoncés et le déséquilibre qui en découlera - qu'il  considère comme néfaste au bon fonctionnement de la société et     paradoxalement pas si favorable à la condition féminine, la femme  devenant grossièrement un homme comme les autres et perdant peu à peu  les qualités qui faisaient sa force - Mencken renvoie les     deux sexes dos à dos. Pour lui, la seule valeur véritablement  considérable est celle de l'intelligence et du génie. Chose dont, selon  Mencken et tout être doté de facultés d'observation un tant     soit peu développées, l'écrasante majorité des humains, hommes ou  femmes, sont dépourvus.   

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