Henry Miller est un écrivain     déroutant. J'en avais eu un petit aperçu avec Tropique du Cancer,  dont la lecture m'avait     globalement ravi, à l'exception de quelques passages qui me  paraissaient au minimum dépareillés au reste de l’œuvre, et au pire,  sérieusement abscons. Mais j'avais été plus largement séduit que     rebuté, et la suite logique était d'enchaîner la lecture de son  premier roman avec la deuxième pièce de son triptyque des Tropiques. En fait, si je ne l'avais lu quelque part, je     n'aurais pu  deviner cette filiation entre les deux œuvres. Il ne faut pas chercher dans ce livre une continuité à Tropique du Cancer : d'une part, Printemps noir  se     présente sous la forme d'un recueil de nouvelles autobiographiques,  et non d'un roman. Et puis, il n'y a pas entre ces deux livres de  cohérence chronologique, dans Printemps noir, Miller     nous parle aussi bien de son enfance new-yorkaise avant son  expatriation en Europe, que de sa vie parisienne, ou bien d'autres  sujets plus difficilement cernables, et parfois même, à mon avis,     totalement inintéressants (comme « Je porte un ange en filigrane »,  où il est question de peinture, abordée sous un angle assommant). Le lien  entre Tropique du Cancer, Printemps     noir et Tropique du Capricorne, c'est en fait surtout le lieu où Miller rédigea ces trois ouvrages autobiographiques : Paris.      
     Il faut bien le dire, la lecture de Printemps noir a été pour moi longue et laborieuse. Après l'attraction qu'avait exercé sur moi Tropique du Cancer,  je ne savais plus à qui     j'avais affaire. Écrivain de génie ou raseur prétentieux et  insignifiant ? Henry Miller est probablement les deux à la fois. Tour à  tour capable du meilleur comme du plus pénible, il reste tout     de même un écrivain à lire. Parce que comme tout écrivain digne de  ce titre, Miller est porté par des inspirations soudaines, parce que  lorsqu'il s'astreint à la sobriété, son style et son sens     de la narration sont d'une absolue fluidité, et que, par dessus  tout, la justesse dans ces moments délectables semble occuper le centre  de sa démarche littéraire. Alors s'il faut, pour tomber sur     ces éclairs de lucidité et de génie, supporter une facette de sa  personnalité qui me rebute, je suis quand même prêt à m'y résoudre.  D'autant plus que Printemps noir n'est pas forcément     le livre le plus représentatif de son œuvre. La lecture du plutôt remarquable Cauchemar climatisé eut tendance à me le confirmer.   
 

 

 
 
 
 
 
Tout de même dans Printemps noir, la nouvelle "un samedi après midi" sur les urinoirs parisiens et leur rapport avec Virgile est vraiment géniale!
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